Couverture des voies : forum du 15 octobre 2019

  • , actualisé le
  • par Nicolas

Compte-rendu de la soirée sur le projet du SEVE pour requalifier la végétation sur les voies couvertes, et sur les souhaits et attentes des habitant·e·s du quartier pour cet espace.

 Couverture des voies : bientôt plus de verdure… et de nouveaux projets ?

Mardi 15 octobre 2019 de 20h à 22h à la MQSJ

Forum organisé en collaboration avec la commission Transition écologique de la Maison de quartier de Saint-Jean.

Invités :

  • Service des espaces verts (SEVE)
  • Coopérative Renouveau de Saint-Jean - Les voies couvertes
  • Association Voies-là
  • Antenne sociale de proximité Servette - Petit-Saconnex - Saint-Jean (ASP)
  • Service des écoles (ECO)

N’ont pas pu venir :

  • Pierre Bonnet, architecte
  • Service de l’aménagement, du génie civil et de la mobilité (AGCM)
  • Direction du patrimoine bâti (DPBA)

 1) Accueil et présentation de la soirée 

Nicolas Künzler, coordinateur du Forum Démocratie participative, présente la soirée. Celle-ci a été préparée par une équipe comprenant des membres du Forum et des membres de la Commission transition écologique de la MQSJ, avec la collaboration du Service des espaces verts de la Ville de Genève (SEVE), et l’appui et le suivi de la Coopérative Renouveau de Saint-Jean.

Cette soirée publique intervient alors que l’on commémore les 20 ans des voies couvertes. A cette occasion, la Maison de quartier a réalisé un dossier très riche consacré à la couverture des voies dans son dernier n° du journal Quartier libre, et a organisé une exposition intitulée 20 ans de couverture des voies. Et demain ?

Ces 20 ans sont donc l’occasion d’une réflexion collective sur cet espace de la couverture, sur ses particularités, sur son rôle dans le quartier, sur ses usages actuels et futurs, sur son évolution.

Mais ils coïncident également avec un projet du SEVE pour renouveler et amplifier la végétation présente sur la couverture, végétation qui après 20 ans est à certains endroits en fin de course, en l’adaptant aux particularités des différents espaces ainsi qu’aux enjeux que pose le réchauffement du climat.

Après un rappel par Pierre Varcher, en introduction, sur l’origine et les particularités de la couverture des voies, la soirée se déroule en deux parties :

La première sur le projet du SEVE, avec la participation de M. Daniel Oertli, Chef de service, et de M. Kenan Selmani, Architecte-paysagiste. La deuxième sur toutes les questions qui dépassent le projet du SEVE : aménagements, équipements, animations, projets de buvette, végétalisation des toitures et des bâtiments, etc.

Assistent également à la soirée Mme Corinne Cornaglia, Responsable de l’Antenne sociale de proximité Servette – Petit-Saconnex – Saint-Jean, et M. Jérôme Besson, du Service des écoles, puisque ce service s’occupe des jeux présents sur les voies couvertes. Également invités, car concernés par plusieurs aspects de la couverture des voies, le Service de l’aménagement ainsi que la Direction du patrimoine bâti, tous deux du Département des constructions et de l’aménagement, ont par contre répondu qu’ils ne pouvaient être présents.

 2) La couverture des voies : un espace produit

Pour commencer, Pierre Varcher, membre de longue date du comité de la Maison de quartier de Saint-Jean, fait remarquer qu’être attentif à la couverture des voies comme espace produit – qui se remarque bien dans son caractère singulier et artificiel – fait apparaître les questions :

  • par qui ?
  • pourquoi avec cette configuration-là ?
  • quand cela a-t-il été décidé ?

Car il faut savoir que la couverture des voix est le résultat de 3 décisions successives prises à des moments différents.

Décision n° 1 : la couverture des voies (1982 -1988)

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Tout est parti en 1980 d’une motion au Conseil municipal, qui aboutit après débats au déblocage des crédits en 1982 : 500’000 frs pour un éventuel aménagement, mais surtout 70 millions pour la couverture.

A noter que la décision de couvrir les voies a été prise sans qu’on sache ce qu’on allait mettre dessus ! La construction se fait sans aucun lien avec un aménagement prévu. Le but était d’avoir une nouvelle approche de la ville, de diminuer les nuisances de bruit, et d’ouvrir des espaces nouveaux mis à disposition des habitants. Ce qui excluait d’utiliser la surface dégagée pour créer une route urbaine, des parkings, ou des grosses réalisations pour rentabiliser le sol. Au delà de ça, on n’a aucune idée.


La couverture se fait de manière réduite, du pont des Délices à l’av. d’Aïre, alors que l’initiative demandait d’aller jusqu’à la limite communale, à la hauteur de l’av. Henri-Golay. Par ailleurs, même si les ponts disparaissent, on prévoit de garder les axes Miléant et Gallatin comme lieux de passage. Ce qui délimite 3 secteurs :

  • Délice – Miléant
  • Miléant – Gallatin
  • Gallatin – av. d’Aïre.

Une terrasse en surplomb, une impression de coupure {JPEG}

On prévoit que la dalle puisse supporter des bâtiments jusqu’à 3 étages, sauf dans le 3e secteur. Les test de sécurité font qu’on a abouti à une terrasse en surplomb, au grand désappointement du quartier qui voulait un espace pour créer du lien et se retrouve avec une impression de coupure. Aurait-on pu faire autrement ? Cela n’a été discuté qu’après coup, de façon académique. Le débat n’a jamais eu lieu avant la décision politique.

Décision n° 2 : le programme d’aménagement de la couverture (1988 -1991)


On se demande alors ce qu’on va mettre dessus, et on lance un concours d’architecture dont le programme paraît en 1991. Celui-ci est conçu sans la participation des habitants, qui ratent le coche. Ce sont donc les principes posés par le jury du concours, composé d’urbanistes et d’architectes, qui déterminent ce que va être la couverture.

1er principe : le concours ne porte que sur la surface qui vient d’être créée. Les espaces adjacents ne sont donc pas pris en compte, alors même que tout un côté de la rue de Saint-Jean est en train de faire l’objet d’un PLQ.

2e principe : on ne crée pas de nouvelle centralité. La voie de chemin de fer ayant dicté la logique des quartiers de Saint-Jean et des Charmilles, on décide de ne pas la modifier et de laisser les deux côtés avec leurs centralités propres, et de ne pas tenir compte de leurs évolutions. L’espace de la couverture doit être traité comme une limite, faisant soudure par endroit mais qui doit rester visible.

Exemple d’un projet éliminé au 1er tour

Les architectes qui jugent ce programme discutable et proposent des projets différents (ex. ci-dessus) sont éliminés sans discussion au premier tour. Bref, on a choisi de ne pas réfléchir à l’ensemble du quartier et à son avenir.

Décision n° 3 : le choix du projet gagnant et sa réalisation (1992)


Parmi les 36 projets déposés sont écartés ceux qui ne respectent pas le programme du concours. Puis le jury adopte une position de principe qui consiste à éliminer tout projet qui crée un geste architectural (par ex celui d’une structure continue des Délices à Gallatin) pour ne garder que les projets plus modulables et réalisables par étapes.

Une conception inspirée de Venise

Imaginé par Pierre Bonnet, Pierre Bosson et Alain Vaucher, le projet retenu développe une conception inspirée de Venise, où l’espace du canal est marqué par des rives sur lesquelles on bute, et où se succèdent des petites places. Ainsi, sur la couverture, l’implantation des bâtiments crée une promenade sinueuse et définit des espaces très qualifiés, avec verdure, bancs, arbres. L’espace est donc travaillé dans la longueur, selon l’axe du train, et le jury apprécie que le socle de la couverture reste bien reconnaissable.

Caractéristiques du projet gagnant
Reconnaissance simple du socle de la couverture - Implantation des bâtiments définissant des espaces très qualifiés

Le projet est très dense, en raison d’un amendement déposé au Conseil municipal demandant des surfaces à usage artisanal et commercial, qui viennent donc se rajouter aux équipements publics prévus à cette époque : poste, maison de quartier, brasserie, marché couvert et crèche (la bibliothèque n’était pas dans les projets à ce moment-là).

La crèche n’est finalement pas construite sur la couverture des voies, car on s’était aperçu de la présence du champ électro-magnétique engendré par chemin de fer passant en dessous. Les architectes décident alors de garder visibles par des plantations de bambous les emplacements des bâtiments non réalisés. Obéit à la même logique le carré près du pont des Délices marque l’emplacement de la brasserie prévue initialement mais jamais construite.

Espace près du pont des Délices : organisation peu définie et finalement jamais construit

Projet architectural et identité de la couverture

Pierre Bonnet, l’architecte qui a conçu la couverture telle qu’elle se présente aujourd’hui, aurait volontiers participé à ce moment, mais a il dû s’excuser pour des raison de vacances. Pierre Varcher se fait donc son le porte-parole, pour dire qu’en tant qu’architecte et auteur, celui-ci n’est pas opposé à des évolutions. Lui et ses collègues n’ont jamais considéré leur réalisation comme une œuvre figée.

Mais Pierre Bonnet demande que soit respecté ce qui fait la cohérence du projet : un parcours sinueux dont chaque séquence donne lieu à un regroupement d’objets presque domestiques – un banc, un candélabre, une fontaine, un sol en bois, des arbres – composant autant de « salons urbains ». Le dessin du mobilier a été créé spécifiquement pour le lieu, l’emploi de la couleur bleue jouant un rôle de repère et une marque d’identité. La présence végétale doit rester raffinée avec des arbres aux feuillages légers offrant fraîcheur et vibration.

Chaque séquence donne lieu à un regroupement d’objets presque domestiques – un banc, un candélabre, une fontaine, un sol en bois, des arbres – composant autant de « salons urbains »

A partir de là, conclut Pierre Varcher, la question est de savoir si on peut faire évoluer cette couverture vers un espace qui pourrait être vécu différemment.

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