Compte rendu de la soirée forum du 8 octobre 2018

Débat sur le pont de la Jonction : compte rendu

  • , actualisé le
  • par Nicolas

 Présentation de l’association Stop suicide

 Son origine, ses objectifs, ses actions

L’association a été créée en 2000 par des collégien.ne.s endeuillé.e.s, pour dépasser le tabou entourant cette question et briser l’isolement autour du suicide. Elle a aujourd’hui un comité directeur de 11 membres, et une équipe de 5 employé.e.s et 2 stagiaires.

En Suisse, 1’000 personne meurent chaque année par suicide. C’est la première cause de mortalité pour les 15-29 ans.

L’association Stop suicide, présente dans toute la Suisse romande, est centrée sur cette catégorie d’âge. Elle agit à travers un travail préventif effectué en amont. Stop suicide n’est donc pas une ligne d’aide aux personnes en détresse. Cette action là est assurée par d’autres organismes, avec les numéros gratuits accessibles à tout moment, le 147 pour les jeunes (Pro Juventute), et le 143 pour les adultes (la Main tendue).

L’association Stop suicide intervient :

  • auprès des jeunes directement, dans les écoles, les foyers, les maisons de quartier, etc. ;
  • auprès des professionnel.le.s qui les entourent : professeurs, éducateurs, animateurs, etc. ;
  • auprès des médias : afin qu’il y soit parlé du suicide de manière préventive, en veillant à éviter tout effet potentiellement incitatif ;
  • auprès des décideur.euse.s ;
  • auprès de chacun.e !


Stop suicide agit par divers moyens (ateliers, conférences, tables rondes, journées de prévention, stands, BD, etc.). Chaque année autour du 10 septembre, elle organise des actions en lien avec la journée mondiale de prévention du suicide. L’objectif est de parler et faire parler du suicide autrement.


 Mesures de protection

Le but est de réduire l’accès aux moyens de suicide. Par exemple :

  • par une législation sur les armes à feu plus restrictive ;
  • par un conditionnement des médicaments ;
  • par l’aménagement d’obstacles architecturaux dans les lieux à haut risque.

L’efficacité de ces mesures a été constatée tant dans d’autres pays qu’en Suisse ces dernières années. Elle tient au fait que les personnes en crise suicidaire sont le plus souvent ambivalentes au fond d’elles-mêmes. Elles sont partagées entre leur souhait de mettre fin à leurs tourments et leur envie de vivre. Même si les autres solutions possibles ne leur apparaissent plus, leur désir n’est pas de mourir, mais d’arrêter la souffrance qu’elles vivent.

Des obstacles comme des barrières permettent de gagner du temps. Et donc à la personne en crise de dépasser elle-même le pic suicidaire, et/ou d’être aidée par une tierce personne. L’obstacle peut aussi agir comme un électro-choc qui va sortir la personne de sa crise.

Les effets de ces mesures sont impressionnants : à San Francisco par exemple, sur 500 personnes ont été retenues du pont du Golden Gate, 95 % étaient en vie plusieurs années après. Elles n’avaient donc pas cherché un autre endroit, ni n’avaient choisi une autre manière d’en finir.

Il faut savoir en effet que chaque personne qui songe à se tuer élabore en elle-même un « scénario suicidaire » précis, et qu’elle n’en change pas rapidement quand un obstacle a rendu sa réalisation impossible ou plus difficile.

Pour en savoir plus, voir en ligne le document sur la Prévention Situationnelle rédigé par Stop Suicide

Mesures de discrétion sur les projet de protection
Il est nécessaire de ne pas communiquer sur les projets de sécurisation entrepris. En parler risque en effet d’avoir un effet d’incitation, en « désignant » le lieu concerné comme un lieu de suicide. Ceci peut rendre l’option plus présente dans l’esprit de personnes en détresse. Des exemples dans d’autres pays ont malheureusement montré l’existence de ce phénomène et le risque de suicides « défis ».

Pour en savoir plus, voir la fiche d’information sur la Prévention Média

.

 Questions et remarques du public

(avec en bleu les réponses ou commentaires de Stop suicide ou des autres intervenants)

Manque d’information et de démocratie
Des personnes critiquent un manque d’information et de démocratie autour de ce projet :

  • La Ville de Genève impose des réalisations.
  • La population a été prise en otage.

Pourquoi avoir fait la barrière ainsi ?
Un certain nombre de questions et de remarques visent le type de barrière réalisé :

  • Pourquoi pas quelque chose de mixte, avec des ouvertures permettant la vision ?
  • Pourquoi ne pas avoir choisi des filets de protection ?
  • N’aurait-on pu faire différemment, avec des barreaux moins rapprochés ?
  • Pourquoi ne pas avoir mis une barrière entrecroisée, comme celles du bois de la Bâtie ?
  • Cette barrière est désagréable, elle envoie un message négatif qui dessert la cause de la prévention du suicide.

L’association Stop suicide n’a pas demandé tel ou tel type de barrière, mais seulement qu’une protection efficace soit mise en place. Les aspects techniques sont du ressort des spécialistes et des réalisateurs de la barrière.
Pour la réalisation, le manque de temps – en raison de l’ouverture nécessaire du pont pour fin 2017 – a joué un rôle. La possibilité de faire des études plus approfondies a manqué.

Aspects techniques

  • Pourquoi les barrières encadrant le passage pour les piétons sont-elles différentes du côté fleuve et du côté train ?

Ces deux barrières s’élèvent à la même hauteur : 1 m 55. Mais celle côté train est sur un socle en béton pour contenir les trains en cas de déraillement. Par ailleurs, il faut savoir que se jeter d’un pont ou se précipiter sous un train sont des scénarios suicidaires tout à fait différents.

Pourquoi ces barrières ?
Plusieurs questions portent sur ce qui a conduit à construire des barrières sur le pont de la Jonction et sur le pont Butin :

  • Pourquoi prendre des mesures pour les ponts, et pas pour les autres modes de suicide ?
  • Ne faudrait-il pas alors mettre des barrières partout, sur les balcons, sur les immeubles élevés ?
  • Pourquoi a-t-on considéré qu’une barrière sur le pont de la Jonction était rendue nécessaire par la mise en place de celle du pont Butin, alors que vous nous dites qu’il n’y a pas de report d’un lieu sur un autre ?
  • Quels sont les chiffres des morts volontaires pour le pont Butin et le pont de la Jonction ?

L’association Stop suicide rappelle qu’elle agit pour la prévention de tous les modes de suicide.
Pour le pont de la Jonction, l’enjeu est la disponibilité et l’accessibilité de ce lieu proche du pont Butin. Le plan national de prévention demande qu’en cas de travaux sur un ouvrage susceptible de présenter des risques on intègre des mesures de protection. Il ne s’agit pas de tout sécuriser, mais seulement les lieux connus comme lieux de suicide ou ceux qui risquent de le devenir. De nombreux bâtiments élevés sont déjà sécurisés
.

Quant aux chiffres, Stop suicide déclare qu’ils sont confidentiels et ne les communique donc pas (ce qui soulève une certaine réaction dans l’assemblée). Pour ses interventions, l’association se base sur les rapports de l’OFROU1, qui inventorient les lieux à risque selon le nombre de morts volontaires qui s’y sont passées. Ce qu’on peut dire, c’est qu’à Genève les sauts dans le vide représentent 20 % des suicides.

Efficaces, vraiment ?
Des personnes sont d’avis que la barrière du pont de la Jonction ne peut pas avoir l’effet annoncé :

  • Ces barrières ne sont pas efficaces, elles n’empêcheront pas les suicides.
  • Une hauteur de 1 m 55 n’est pas infranchissable, ce qui serait le cas avec 3 m 50.
  • Ca ne sert à rien, c’est de l’argent foutu par les fenêtres !

A partir d’1 m 55, des barrières sont efficaces. Les franchir n’est pas si facile, elles représentent déjà un obstacle à la réalisation d’un suicide, en empêchant la personne en détresse de simplement se laisser aller. L’expérience montre qu’elles augmentent donc la prévention de manière significative.

Voir le communiqué de Stop Suicide sur la Prévention du suicide sur le pont Butin