CO Cayla : un agrandissement contesté

  • , actualisé le
  • par Nicolas

Il y a vingt ans, les pavillons provisoires du cycle de Cayla ont été remplacés par les bâtiments actuels, en laissant de la place pour un parc public, qui était demandé par le Forum 1203. Aujourd’hui, le Canton a décidé d’utiliser cet espace végétalisé pour agrandir le cycle et en faire un établissement de 1’000 élèves...

Le Forum et la Maison de quartier ont organisé le 11 mai 2023 un apéro-débat ouvert à toute personne intéressée, pour rappeler l’histoire de l’implantation d’un cycle dans cette partie du quartier, présenter le projet d’agrandissement du CO Cayla et recueillir les réactions et les avis des participant·e·s à la soirée.

Ces remarques ont été synthétisées, et envoyées au Service des Requêtes et du Support du Département du territoire, ce qui a permis qu’elles soient jointes au dossier.

Elles mettent en avant plusieurs points :

  • Le choix regrettable d’implanter un nouveau bâtiment sur une surface végétale, expressément destinée à constituer un parc lors de la construction du CO en 2003.
  • La nécessité de maintenir et développer des zones de fraicheur en développant l’arborisation.
  • L’absence dans le projet de toute étude d’impact sur l’environnement.
  • L’absence également de toute mesure visant à réduire le puits de chaleur actuellement créé par l’immense surface minérale du préau.
  • La nécessité de prendre en compte les impacts sur les alentours du cycle de l’augmentation du nombre d’élèves, notamment en termes de mobilité et de sécurité.
  • La différence pour la vie dans un établissement scolaire que représente le passage de 750 à 1’000 élèves, exigeant de mettre sur pied un projet éducatif adapté pour maintenir de bonnes conditions d’enseignement, d’apprentissage et de vie commune.
  • La nécessité de prévoir proportionnellement à l’augmentation du nombre de classes une augmentation tant des espaces de rencontres et de détente que des ressources médico-psycho-sociales de l’établissement, en vue de l’accompagnement d’élèves vivant dans un établissement plus anonyme en raison de sa taille.

 Présentation du dossier

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 Observations envoyées pour être jointes au dossier

Concerne : Dossier n° DD/325730/1 (Publication FAO 4 avril 2023)

Observations au sujet de la demande d’autorisation de construire un pavillon scolaire au CO Cayla

Réuni·es jeudi 11 mai 2023 en assemblée d’information-discussion, des habitant·es des quartiers avoisinants (Saint-Jean, Charmilles, Ouches-Concorde, ...) — dont des représentant·e·s des associations de parents d’élèves — tiennent à vous adresser leurs observations concernant la demande d’autorisation de construire un pavillon scolaire au CO Cayla et ont chargé le Forum Démocratie participative de vous les transmettre.

1. Les bâtiments actuels du Cycle d’orientation, dont le projet a été adopté en 2003, sont regroupés sur une partie de la parcelle, dégageant la partie ouest de celle-ci afin d’y aménager un parc public. Il s’agissait alors de préserver une zone de verdure au cœur d’un quartier dont une forte urbanisation était en cours ou à prévoir. Or, c’est dans cette zone de verdure et de détente que le requérant demande l’autorisation de construire un nouveau bâtiment. L’emplacement choisi pour la construction du pavillon supplémentaire ne peut donc pas être considéré comme une simple surface engazonnée, comme s’il s’agissait d’une réserve de terrain pour d’éventuelles constructions ultérieures. Le Grand Conseil, dans sa prise de décision approuvant le projet de construction en 2003, avait été en effet très clair : “Il est prévu que le parc conserve cette affectation” (PL 9038-A, p.2/9).

1.1. Depuis 2003, le contexte général a été profondément modifié avec la nécessité de prendre en compte de surcroît les enjeux posés par l’urgence écologique, notamment climatique. Canton et commune ont en conséquence développé des plans de végétalisation pour lutter contre les îlots de chaleur, augmenter la canopée et les surfaces de sol perméables. Or, il s’avère que la surface verte en pleine terre destinée à recevoir le bâtiment projeté est identifiée par la Ville, non plus seulement comme une zone de parc et de détente pour les habitants, mais aussi comme zone de fraîcheur. Le pavillon prévu pour le CO Cayla va réduire celle-ci d’environ 500 m2 puisque la construction implique l’imperméabilisation de cette surface. De fait, cette surface aurait dû faire l’objet d’un aménagement prévoyant son arborisation, tant dans une perspective climatique que d’amélioration de la biodiversité ; or, cette arborisation a été minimale jusqu’à présent (ce qui contribue à rendre cette zone peu attractive pour les jeunes du quartier par exemple) et les habitant·e·s attendaient un projet d’augmentation de la canopée en ce lieu, plutôt que la construction d’un bâtiment.

Pour toutes ces raisons – maintien du parc existant et nécessité de préserver les zones de pleine terre perméables et pouvant être arborisées – l’emplacement prévu pour le bâtiment projeté n’est ni pertinent, ni adéquat.

1.2. Le courrier d’accompagnement de la demande d’autorisation se borne à constater laconiquement que “le projet tient particulièrement compte de l’environnement dans lequel il se place” alors que toutes les questions que nous abordons ci-dessus ne sont pas évoquées. La demande d’autorisation de construire ne fournit du reste aucune donnée en termes d’impacts sur l’environnement à part celles liées au périmètre de consultation OPAM. Notons que sur ce point précis, la demande se borne à constater que « seul un tout petit bout de l’immense parcelle sur laquelle [le pavillon] est édifié touche la zone OCPPAM train », sans mentionner que l’entier du pavillon repose à la verticale du tunnel en question.

A cet égard, cette demande d’autorisation de construire semble donc insuffisante.

1.3 La parcelle du CO Cayla actuellement bâtie (surtout le socle entre les bâtiments qui fait office de préaux) est identifiée comme un puits de chaleur, avec un ombrage minimal. Dès lors, si la construction d’un pavillon supplémentaire s’avère nécessaire, il paraît logique de l’implanter sur une surface déjà imperméabilisée. Le projet semble avoir écarté sans justification toute possibilité d’implantation de ce genre.

Nous demandons que l’étude du dossier soit poursuivie pour examiner la possibilité de construire le pavillon soit sur le préau (par exemple dans la partie entre le bâtiment des arts et le Pavillon Cayla, soit sur le parking jouxtant le bâtiment des classes du côté du chemin William Lescaze). Autre hypothèse évoquée : une surélévation du bâtiment des sports.

En tout état de cause, une déminéralisation de ces surfaces de préau doit être envisagée avec la création d’ombrages, et ceci comme mesure d’accompagnement de l’autorisation de construire.

1.4. Sur un plan architectural, le projet de pavillon – que d’aucuns qualifient de “boîte d’allumettes” – dénature l’ensemble actuel constitué par les trois bâtiments du CO et bloque les dégagements visuels, et ceci quel que soit l’emplacement choisi.

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2. La construction qui vise à faire passer sur un même site le nombre d’élèves de 750 à 1’000, soit 250 enfants de plus va provoquer des impacts sur les alentours, notamment en termes de mobilité et de sécurité. Or, ces impacts ne font l’objet d’aucune prise en considération dans la demande d’autorisation de construire.

2.1. L’essentiel de l’accès au collège et de la sortie des élèves s’effectue sur le chemin William-Lescaze qui n’a pas fait l’objet d’un véritable aménagement lors de la reconstruction du CO en 2003-2008. Ainsi le cheminement piéton, étroit et tortueux, y est-il indiqué par une surface de peinture jaune et la pertinence de maintenir une circulation automobile n’est pas interrogée, alors que le seul bâtiment qui peut en bénéficier dispose d’un parking desservant tous les immeubles de l’ensemble. Or, ce chemin est non seulement utilisé par les élèves du CO, mais aussi par des écoliers se rendant à l’école primaire de Cayla. De plus, l’arborisation de ce chemin a été réduite au minimum, alors qu’il s’agissait à l’origine de l’allée d’accès à la propriété Cayla, une allée bordée d’une double rangée de chênes séculaires apportant ombrage et fraîcheur.

Nous prenons note qu’un projet de suppression de 8 places de stationnement pour les voitures, remplacées par 50 places vélos et 15 places pour trottinettes, sera déposé dans un deuxième temps afin de ne pas retarder la réalisation du pavillon.

Nous estimons que ce projet est minimal. L’augmentation du nombre d’élèves prévue demande que toute la configuration de la sortie des élèves du CO sur le chemin William Lescaze soit examinée et que l’aménagement complet des mobilités dans le chemin fasse l’objet de l’autorisation de construire complémentaire, accompagné d’un plan de végétalisation du dit chemin.

2.2. Un grand nombre d’élèves du CO traversent – comme certains des élèves de l’école primaire – le carrefour avenue d’Aïre - chemin Furet dont la dangerosité a été déjà signalée par des associations du quartier en 2014 déjà. Depuis, quelques améliorations cosmétiques ont été apportées à ce carrefour qui n’a jamais fait l’objet d’un véritable plan d’ensemble depuis l’élargissement du pont et la couverture des voies du chemin-de-fer. Dès lors, les cheminements piétons, vélos et automobiles s’y entrecroisent au gré de marquages dessinés de manière pragmatique. En conséquence, la question de savoir comment aménager cet espace hérité d’hier pour lui permettre d’affronter les défis de demain reste entière : mobilité douce à prioriser, sécurité des piétons et cyclistes à renforcer, îlots de chaleur à supprimer, végétalisation à développer… Ces questions ont fait récemment l’objet d’un débat avec les habitants du quartier qui se sont élevés contre l’inertie avec lequel ce dossier est traité.

L’autorisation de construire un pavillon au CO Cayla aura pour conséquence d’augmenter les flux de piétons adolescents à travers ce carrefour dangereux. Il est donc nécessaire qu’elle soit accompagnée de mesures complémentaires pour assurer la sécurité des élèves à cet endroit.

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3. Sur le fond, cette construction permettant d’agrandir le CO Cayla est justifiée par la nécessité de faire face à une augmentation du nombre d’élèves à l’échelle du canton, alors que les possibilités de construction de nouveaux établissements seraient des plus restreintes : sont évoquées notamment les oppositions aux deux seuls projets existants et les difficultés de trouver des terrains adéquats. Le débat mené au Grand Conseil pour l’adoption du PL-13170-A, qui donne une base légale à l’édification du pavillon du CO Cayla, a toutefois montré des député·e·s contraints de décider dans l’urgence et le “couteau sous la gorge” : aucune solution de rechange n’était prévue en cas de refus de ce PL. Comme le relève le rapport de minorité, un manque d’anticipation des autorités est manifeste. On écope, mais le bateau se remplit sans cesse. Le Cycle d’Orientation a vu en tout cas disparaître il y a quelques années l’un de ses établissements, celui de la Seymaz, transféré au secondaire II, lors d’une brève accalmie de l’augmentation des effectifs. Par ailleurs, les alternatives, comme celle de favoriser des établissements de 400 élèves pour trouver plus facilement des terrains n’ont pas été prises en compte. De plus, tous les grands projets immobiliers en cours de réalisation (de La Chapelle-Les Sciers au PAV, en passant par l’Étang ou Belle-Terre) n’ont pas vu les autorités cantonales réserver des terrains pour des établissements du Cycle d’Orientation. En résulte une politique d’agrandissement de plus de la moitié des établissements existants, dont celui de Cayla, pour leur permettre d’accueillir chacun près de 1’000 élèves. Certes, cela permet, comme l’a relevé un député, “de faire des économies foncières, car on utilise les sites existants”, mais sur le plan de la qualité du projet éducatif, donc du bien-fondé de tels agrandissements, une telle politique est inquiétante et peu défendable.

3.1. Il n’est pas acceptable de minimiser les conséquences d’un tel agrandissement en disant qu’“a priori, il est certes plus simple de gérer 750 élèves que 900, mais que d’autres éléments font que le climat scolaire est favorable ou pas“ (argument de la magistrate aux députés de la commission des travaux, PL 13170-A, 11/51). Le Cycle d’Orientation a été, à l’origine conçu pour réunir environ 450-500 élèves par établissement. Puis, progressivement, la jauge de 600-650 élèves a été atteinte, la Direction Générale du CO estimant en 2003 que “l’objectif d’un maximum de 600 élèves est un idéal raisonnable.” Ainsi lors de la reconstruction du CO Cayla, la population des quartiers concernés s’est élevée contre l’augmentation du nombre d’élèves prévue et le Forum a déposé une pétition à ce sujet. Sans résultat : l’établissement actuel accueille entre 750 et 780 élèves. Alors que l’État multiplie les dispositifs contre les décrochages, à chaque saut quantitatif un effet de seuil qualitatif est relevé, et plus le nombre d’élèves augmente, plus ce saut est difficile à gérer : les enseignants ne connaissent plus tous les élèves, ceux-ci se fragmentent en groupes séparés, en résulte un anonymat favorable à une augmentation des incivilités ; cette perte des relations entraîne un accroissement des tâches de surveillance. Davantage d’encadrement, moins d’émancipation collective. La notion de collège comme lieu de vie s’estompe, et le risque d’augmenter les inégalités de réussite scolaire devient saillant.

Assurément, le passage à un établissement accueillant près de 1’000 élèves exige un projet éducatif – incluant des normes pour les bâtiments scolaires – permettant de continuer à viser les finalités de l’enseignement public genevois, notamment celle de tendre à diminuer les inégalités de chance de réussite scolaire. Or, le projet présenté ne stipule rien à ce sujet : il se contente de juxtaposer aux bâtiments existants un pavillon purement fonctionnel abritant 11 salles de classe « sèches » de 60m2 ; pour chacune d’entre elles, il est prévu d’aligner 3 colonnes de pupitres permettant d’accueillir 24 élèves. Pourtant de nombreuses recherches montrent l’impact négatif de l’augmentation de la taille des classes sur la réussite des élèves.. Alors qu’il existe des ratios d’utilisation pour les différents besoins à assurer dans les bâtiments scolaires, les infrastructures à disposition pour la gymnastique ou pour l’éducation scientifique par l’expérimentation ou encore pour l’expression artistique n’augmentent pas et devront être partagées par un plus grand nombre d’élèves. Un projet de construction scolaire comme celui-ci qui ne prévoit pas des espaces pour les autres utilisations nécessaires n’est pas acceptable.

3.2. Le projet présenté prévoit donc un équipement scolaire minimal qui ne crée, par ailleurs, aucun espace nouveau de rencontres et de détente pour les élèves. Ceux-ci seront donc 200 de plus à se partager les quelques espaces existant dans et autour des bâtiments actuels. Lors de son audition par la commission des travaux du grand Conseil (PL 13170-A, 18/51), une déléguée syndicale a pourtant attiré l’attention des députés sur cette question : la réduction des espaces de récréation a comme conséquences que les élèves se retrouvent dans des espaces très restreints – parfois à Cayla, déjà actuellement, ils ne sortent même pas de leur salle de classe – , que les tensions augmentent et que les pauses deviennent très compliquées à gérer. De plus, une telle évolution ne contribue évidemment pas à développer l’idée d’un collège lieu de vie et d’un projet éducatif pas seulement centré sur la transmission de connaissances, mais aussi sur l’ouverture à l’altérité.

Accueillir davantage d’élèves exige donc plus d’espaces de rencontres et de détente, ce que le projet de rajout d’un pavillon prévu n’offre pas.

3.3. Enfin, un tel projet d’agrandissement ne doit pas péjorer les conditions et chances de réussite des élèves. Aussi, doit-il être accompagné d’une augmentation dans le collège des intervenants des équipes professionnelles médico-psycho-sociales, augmentation qui tienne compte des effets de seuil mentionnés ci-dessus. Ce sont des mesures compensatoires indispensables que le DIP doit garantir.