Soirée Forum
« En ville, des jardins collectifs… un bonheur à partager ! »
Mardi 5 mai 2015 – MQSJ
1. Accueil et présentation de la soirée
Cette soirée forum a été organisée à l’occasion des 10 ans du premier jardin partagé créé dans le quartier de la Concorde. Cette première expérience ayant été suivie par beaucoup d’autres, dans le quartier et dans de nombreux lieux de la Ville et du Canton. Il a donc semblé utile de rassembler les personnes intéressées par ces réalisations pour partager expériences, réflexions et projets. Chaque jardin en effet a sa particularité, sa dynamique propre, ses riches¬ses, mais aussi ses questions.
La soirée a été organisée par Sandrine Gilliéron, de l’Unité d’action communautaire Servette – Saint-Jean – Petit-Saconnex et Nicolas Künzler, du Forum 1203, avec l’aide des personnes suivantes : Gisèle Oeuvray, Caroline Dommen, Sabine Nagl, Kate Mac Hugh Stevenson, Isabelle Toumi, Alessandra Guerini, Marc-Elian Duffrene, Ashot Gazaryan, Eric Ragni, Sylvain Froidevaux.
Dans l’assemblée sont présentes des personnes liées aux jardins ou projets suivants : Pote-à-Jean, Ouches-Concorde, Geisendorf, Jardin des Délices, Contrat social, Henry-Golay (côté Vernier), Couverture des voies CFF, Libellules, Europe – Hentsch, Picto, Galiffe, Charmilles – Charles Giron, Jonction, Pâquis, Avanchet, Sécheron, Beaulieu, Plan-les-Ouates, Versoix, Lausanne, Jardin du Troc.
Sont également présents des représentants de la Fondation HBM Émile-Dupont.
2. Visite de jardins en photos
Même limitée à quelques jardins, une série d’images permet de découvrir la richesse et la diversité des expériences à Genève.
Voir aussi les fiches de présentation des jardins
3. Les actions du Canton et de la Ville de Genève en faveur des jardins partagés
1) Michèle Künzler, ancienne Conseillère d’État responsable de l’environnement
En 2005, Mme Künzler a créé en tant que membre de la Fondation HBM Émile-Dupont le premier jardin collectif à la Concorde. Elle s’est également beaucoup investie dans le projet d’écoquartier à la Concorde. En tant que Conseillère d’État durant la législature précédente, elle a été à l’origine du programme Nature en Ville à l’échelle du Canton.
L’idée de jardin collectif dans la cadre d’une Fondation en charge de la construction de logements sociaux avait pour objectif l’amélioration du vivre ensemble. Concrètement, il s’est agi de transformer des pelouses en espaces de rencontre, sous la forme de jardins partagés. Cette idée n’a pas été immédiatement comprise et acceptée par tous ; beaucoup de craintes ont été exprimées aux débuts de cette initiative. Par ex. que les gens s’approprient trop les espaces mis à disposition et que l’anarchie s’y installe. Ou même que les jardins partagés soient une concurrence pour l’économie maraichère genevoise ! Et aujourd’hui, les projets de ce genre de jardins ont pris une dimension incroyable.
Les jardins urbains jouent un rôle d’espaces de transition, indispensables au maintien de la bio-diversité mais aussi de la vie sociale ; il est nécessaire de conserver cette fluidité, cette perméabilité. Ces espaces de transition avaient tendance à disparaitre, aujourd’hui la situation s’améliore.
Le Canton de Genève a été pionnier au niveau suisse avec la première loi sur la Biodiversité, ainsi que dans ses démarches en vue de la préservation et du développement des corridors biologiques. La loi sur la biodiversité a permis de donner des bases solides aux développements de bonnes pratiques. Ainsi, avec le programme Nature en Ville, et le concours du même nom, le Canton promeut et soutient ces développements. Pour les jardins, cela se concrétise à travers la Charte des Jardins, qui définit 10 bonnes pratiques pour bien faire son jardin. Car les jardins, quelles que soient leur échelle et la manière dont ils sont conçus, sont des éléments en faveur de la biodiversité !
2) Pierre Chapuis, Adjoint de direction au Service social de la Ville
Aux côtés d’un représentant du SEVE et d’un du Service Agenda 21, Pierre Chappuis fait partie de l’équipe qui suit les jardins partagés en Ville de Genève.
La première expérience de potager partagé date de 2007 sur le haut de Beaulieu. Ce sont les plantages lausannois qui ont servi d’inspiration à Genève, pour leur sobriété, la responsabilisation des jardiniers, et la modestie des moyens.
La diversité est un concept fort. Les aménagements en jardin sont toujours différents, à divers niveaux : le foncier, l’aspect de la réalisation, la dynamique de groupe/individuelle, la taille, etc. Il n’y a pas de mauvaise expérience, pas de mauvaise façon.
A priori, il semble facile de vouloir développer des potagers. Mais ce n’est jamais simple, la situation au départ est plutôt complexe. La simplicité est le but final à atteindre. Elle est liée à la recherche d’un équilibre : entre acteurs du projet, avec les propriétaires, avec la Ville. En incluant des concepts tels qu’intégration ou isolement, et un usage convenable de l’espace public. Après un certain temps les choses se stabilisent et on peut espérer tendre vers la simplicité, mais ce n’est jamais acquis.
Les objectifs en toile de fond de ces démarches sont : une prise de possession positive de la part d’un groupe ; une appropriation collective de l’espace public ; la responsabilisation des acteurs.
Actuellement on recense une dizaine d’opérations de jardins en Ville de Genève, une vingtaine prochainement et plus encore à venir ! Cela démontre un grand pouvoir d’attraction, mais rien n’est acquis, il y a toujours des réticences, des peurs, ... Le simple fait qu’il y ait un changement n’est pas toujours facile à faire accepter à tous. Il importe donc de commencer petit, et de laisser les projets grandir tranquillement.
Quid de ce bien commun qu’est l’espace public ? Quels sont les bons endroits pour installer un potager ? A priori, on évite les parcs qui par définition sont des espaces publics, même si aujourd’hui, on trouve des exemples de potagers qui sont un outil de gestion de l’espace public, des outils de reconquête de l’espace public, du bien commun.
La création d’un jardin, en tant qu’acte de soin collectif, rayonne autour de lui. Son impact résonne et génère de nouveaux comportements. Ainsi, on remarque que les installations sont généralement respectées, parce qu’on respecte l’amour que les gens y ont mis.
4. Discussion en groupe
Groupe 1
Parcelles individuelles, ou jardin collectif ? (Qu’est-ce qui est individuel, qu’est-ce qui est partagé, commun ?)
Culture… et cultures : des jardins pour se rencontrer.
Questionnements
Qui finance sur le long terme, qui fournit le matériel ?
Quelle est la responsabilité du porteur du projet ? Quel « pouvoir décisionnel » a-t-il ? Comment partager, négocier les envies, besoins, craintes ?
Dans une organisation collective, quelle implication individuelle ? Quel tournus pour s’occuper du jardin ? Quelle organisation pour gérer la gestion du jardin ?
Parcelles individuelles dans un projet collectif : il y a des demandes en ce sens de certaines personnes. Les rendre attentives au bien commun, public. C’est donc possible, mais en restant ouvert.
Comment obtenir des informations sur les projets existant quand on est un nouvel habitant ?
Convictions partagées
Ces espaces permettent les rencontres. En ces lieux, il y a une remise en question des hiérarchies en place dans d’autres sphères de la société (professionnel, social, etc.). Ainsi, certaines personnes se révèlent être d’excellentes personnes ressources en jardinage alors qu’elles sont plutôt dans des situations d’isolement ou dans des activités professionnelles peu valorisantes.
On voudrait…
Des plateformes d’échange, de mise en commun des savoirs et des expériences.
Favoriser la multiplication des graines et la biodiversité, et tendre vers l’autogestion.
Groupe 2
Pour quoi et comment créer un jardin ?
Quelles valeurs dans le jardinage (loisir, production, autonomie, etc…)
Questionnements :
Comment financer la sensibilisation dans le cadre du scolaire ?
On voudrait…
Promouvoir l’importance de la sensibilisation auprès des écoles.
Groupe 3
Quel avenir pour les jardins dans une ville qui se densifie ? (par ex. des jardins potagers dans les parcs ?)
Ville / Campagne : qu’est-ce qu’une ville ?
Exemples de jardins menacés : Pote-à-Jean, 22-28 Henri-Golay
Comment discuter avec les autorités, avec les professionnels ?
Dès que l’espace est à disposition, les gens s’impliquent !
Trouver des soutiens.
Les jardins sont d’extraordinaires moyens de rencontre. Ca ne peut pas s’arrêter !
Groupe 4
Cultiver, oui, mais quoi ? Et comment ?
Quelles alternatives aux jardins en pleine terre : toits, bacs, paille, sacs, pots
Questionnements et pistes de solution
Comment commencer un nouveau projet ? (Ex. de Sécheron, où il y a peu d’espace libre)
Expérience positive d’initiation de projet sur les voies couvertes à Saint-Jean : il faut partir d’un projet à taille réduite.
Se poser les bonnes questions de départ pour donner force au projet : qui porte le projet ? A quel public est-il destiné ? Pourquoi à cet endroit-là ?, etc.
Convictions partagées
Il faut être créatif pour identifier de nouveaux espaces qui peuvent être transformés ou végétalisés. Ex. sur les voies couvertes à Saint-Jean : une parcelle de bambous va être remplacée par un jardin collectif.
On voudrait …
Végétaliser des parois d’immeubles.
Végétaliser les toits de la ville.
Groupe 5
Comment faire face aux difficultés rencontrées ?
Charte, règlement, accompagnement par une instance référente : quelles régulations pour les jardins partagés ?
Questionnements & éléments de réponse
Comment contrer certaines difficultés : conflits de voisinage, cohabitation (propriétaire/usager), mobilisation des habitants, pérennité ?
Il est important d’être à l’écoute des habitants motivés et de leurs souhaits. Et de mettre en place un règlement clair, élaboré ensemble, connu et compris de tous.
Comment valoriser le projet d’un jardin ?
Par une reconnaissance du quartier.
Par une reconnaissance du projet par les institutions.
En ayant du succès auprès des organes de subvention.
Comment préserver un jardin dans un espace public ?
Trouver des astuces de préservation, par ex. en plantant des espèces méconnues qui ne suscitent pas d’intérêt a priori.
Impliquer un maximum de partenaires du quartier.
Attribuer le jardin à un groupe connu et reconnu du quartier, qui impose le respect.
On voudrait …
Avoir des financements pour assurer le poste d’un responsable de projet, une sorte de coach du jardin qui conseillerait et encadrerait les différentes initiatives.
5. Et ensuite ?
Souhaits et pistes d’actions :
1. Développer les trocs de graines et de plantons.
2. Echanges de savoirs.
3. Un forum ! Réunir les domaines de compétences des personnes impliquées et intéressées, et créer un forum informatique, afin de mettre en lien les différents domaines de compétences autour d’un sujet.
4. Recueil domaines de compétence en vue d’un forum en ligne.
5. Cartographie des jardins + réseau d’échange.
6. Mise en lien entre ceux qui veulent jardiner et ceux qui recherchent des jardiniers.
7. Des safaris « jardiniers » : promouvoir les jardins en faisant un tour à vélo ou à pied, sur le modèle des « safaris urbain ».
8. Une 2e soirée pour approfondir les thèmes.
6. La parole à un invité : Denis Schneuwly
Biologiste et travailleur social, vice-président de Jardi-Troc, Denis Schneuwly a aménagé dans la Broye un jardin qui abrite plus de 450 essences différentes. Professionnellement, il est depuis 15 ans responsable de l’atelier Galiffe, lieu d’accueil et d’activités créatrices destiné aux personnes fragiles psychiquement. Cet atelier comporte un potager.
Les jardins urbains sont en route et ne sont pas près de s’arrêter ! Cette belle aventure ne fait que commencer. Cette année Lausanne a reçu le prix Schulthess pour ses jardins et sa politique générale de plantage. Et 2016 sera l’année du jardin !
La première manière d’apprendre c’est de faire. Il y a un site très intéressant pour mettre les personnes intéressées par les jardins en réseau : www.Plantecatching.com/org. On peut y troquer des graines, plantons, plantes et s’informer/informer sur les événements à venir.
Ce qui prime à la base dans les projets de jardins c’est l’intérêt d’un projet collectif, ce n’est pas la production. Les espaces peuvent être minuscules, ce qui importe c’est la dynamique sociale qui s’y crée. Il faut de l’appétit pour l’humain avant tout.
La question de l’argent : la matière vivante se reproduit ; le matériel, les conseils se partagent. Il faut certes un peu de moyen, mais c’est de l’ordre de l’anecdote.
Il faut que le Forum puisse être un lieu virtuel et réel d’information, que ça serve à faire circuler l’information.
Les jardins sont des espaces de faiblesse. Des lieux temporaires parfois sont voués à être détruits… Et le jardin n’a pas de représentant pour faire valoir ses droits, personne ne le défend, personne ne le représente. Comparé à d’autres pays, la culture du jardin est moins forte en Suisse. Ce qu’il faudrait c’est un organisme local ou une association pour défendre ces intérêts.
On commence aussi à voir une reconnaissance de l’importance de considérer les espaces verts dans les aménagements urbains. Par exemple, dans certains projets immobiliers il est imposé que 20% soient consacrés à un aménagement vert.