Soirée forum du 18 octobre 2021

Végétaliser le quartier : un débat, et des pistes

  • , actualisé le
  • par Nicolas

En lien avec la réflexion de la commission Transition écologique de la Maison de quartier et du Forum, un débat pour imaginer ce qui peut être fait dans le quartier pour lutter contre le réchauffement climatique.

  Sommaire  

 3. Interventions des magistrat·e·s


Frédérique Perler dit tout d’abord être très heureuse de pouvoir participer à cette soirée, et se réjouit du partage avec les habitant·e·s. Elle rappelle qu’elle s’occupe d’aménagement, de construction et de mobilité, et partage les constats qui viennent d’être faits. Il est très important à ses yeux qu’un quartier se préoccupe de ce qui peut être fait pour favoriser la transition écologique. Outre le plan cantonal déjà mentionné, un plan communal d’urgence climatique va prochainement être déposé auprès du Conseil municipal, énonçant tout ce que les autorités souhaitent et estiment devoir faire pour répondre au contexte d’urgence climatique, sur les différents points mentionnés en introduction : les îlots de chaleur, l’arborisation, la minéralisation.

 Des préoccupations partagées

Ce qui la préoccupe également, c’est la question de l’effondrement de la biodiversité. La ville dans laquelle nous vivons actuellement n’est pas durable. Il faudrait en effet 3 planètes pour vivre comme nous vivons en Suisse. Nous avons donc cette obligation de changer la ville en profondeur. Et ceci concerne la mobilité, et la construction, notre manière de construire et d’aménager nos quartiers.

Frédérique Perler considère que les habitant·e·s sont effectivement experts de leur quartier. Elle mentionne en ce sens le projet de mairie qui est le sien, projet qui se concentre sur quelques quartiers ‒ les Pâquis, les Minoteries, Champel, la place Saint-François ‒ pour demander aux habitant·e·s ce qu’ils souhaitent élaborer comme aménagements éphémères mais qui pourraient perdurer. A partir de petites propositions, ne demandant pas de grandes études, peut ainsi s’amorcer la transition écologique des quartiers et de la ville en général.
Il faut savoir que le nouveau Conseil administratif a souhaité ne plus travailler en silo. Mais cela représente un défi beaucoup plus grand que ce qu’on pourrait imaginer et demande du temps.

 De nouvelles infrastructures

Pour ce qui concerne plus particulièrement le quartier, celui-ci sera bordé par une série d’éléments structurants. Le chauffage à distance qui va être mis en place quai du Seujet permettra de réduire l’émission de gaz à effet de serre. Concernant la rue de Lyon ‒ qu’elle trouve assez triste dans son état actuel ‒ où circulera le BHNS, sa position dans les discussions avec le Canton est de chercher comment requalifier cette artère et la végétaliser d’avantage et en tout cas de ne pas y enlever des arbres. Quant à la place des Charmilles, tout à fait calamiteuse effectivement, il faut y revoir toute la circulation. Même si les communes dépendent sur ces question de l’Office cantonal des transports, elle a bon espoir d’y arriver. Il y a également la moyenne ceinture, qu’elle qualifie pour sa part d’« autoroute urbaine ». Or l’État de Genève cherche encore à faire, à l’intérieur de celle-ci, une petite ceinture, constituant ce que certains décrivent comme un « anneau gastrique. La moyenne ceinture passant à l’av. de l’Ain, avec le rebroussement sur route prévu à l’av. d’Aïre, le fameux u-turn, tout cela fait aussi partie de la qualité de vie en ville, qui nécessite de diminuer le bruit et la pollution.

 Densification et végétalisation

Il y a également la densification des quartiers. A la Concorde et aux Ouches des logements sont et vont être construits par les Fondations HBM. Le PLQ des Eidguenots apporte lui aussi des nouveaux logements, ce qui amène à créer des infrastructures. Pour atteindre les objectifs de diminution des gaz à effet de serre, on opte pour des aménagements de qualité, indispensables à ces endroits là.

Le département de l’aménagement prévoit de maintenir au maximum la végétation sur ces grands projets, par ex. celui du BHNS à la rue de Lyon, et de penser en termes de corridors biologiques au vu de la présence du parc Geisendorf à cet endroit. Au quai du Seujet il est prévu de procéder à de nouvelles plantations. Le réaménagement de la place des Charmilles par contre n’est pas pour tout de suite, car il va dépendre de la mise en place du BHNS à la rue de Lyon. Ces projets sont tous dans le pipeline, et demandent d’avoir une cohérence dans l’action de la Ville.

A la rue des Charmilles et des Délices, il y a des possibilités de végétaliser, des possibilités également de supprimer des places de parking, mais en dépendant de l’État à ce sujet. On peut dégrapper des surfaces minérales, et on est en train d’examiner avec les services du département comment on peut aller un peu plus vite dans cette direction. A la Concorde, il y a un parking au chemin des Sports, qui pourrait être transformé complètement, puisque des parkings souterrains vont ouvrir et offrir ainsi des compensations.

 Toits végétaux et sols perméables

Au niveau des constructions, Frédérique Perler est en train de faire dresser la liste de toutes les toitures appartenant à la Ville qui pourraient être végétalisées et aussi recevoir des panneaux solaires. La surface totale concernée représente à peu près 6 hectares (autrement dit une surface de 60’000 m2).

Elle tient également à des pistes cyclables suffisamment larges ‒ ce n’est hélas pas toujours possible ‒ et à la perméabilisation des sols, avec une gestion de l’eau à la parcelle, en recueillant l’eau des façades pour arroser, selon le principe qu’on appelle celui de la ville-éponge, qui prend l’eau et la restitue quand c’est nécessaire.

 Une dynamique commune

Elle invite les habitant·e·s à créer une ville dynamique, et considère la concertation et la participation comme très importantes pour la politique qu’elle entend mener. Les échelles des habitant·e·s et celles des autorités peuvent s’articuler. Il y a bien sûr des obstacles, qu’ils soient techniques ou d’un autre ordre, mais ils peuvent souvent être dépassés, on peut trouver des solutions, et elle sait pouvoir compter sur ses services qui sont acquis aux visées qui sont les siennes.

Frédérique Perler conclut en soulignant qu’à partir des projets cantonaux la Ville doit aménager, et qu’elle tient à végétaliser, à favoriser la biodiversité, mais en faisant des aménagements de qualité, intégrant une visée paysagère, et sans avoir peur de laisser des espaces libres, comme celui de la plaine de Plainpalais, qui nous permettent de respirer et donnent une ville harmonieuse. Et elle tient à disposition des personnes intéressées sa feuille de route, qui présente les différents aspects qu’elle traite avec son département.

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Alfonso Gomez se dit également très heureux de participer à ce débat sur l’aménagement et la végétalisation du quartier dans une perspective de lutte contre le réchauffement climatique et pour le développement de la biodiversité.

 On n’a plus le temps d’attendre !

Son premier point est une réponse à la question de la temporalité. Toutes les autorités, depuis les Nations unies jusqu’aux communes, déclarent que nous sommes aujourd’hui en urgence climatique. Et quand on est en situation d’urgence, on prend des mesures urgentes ! C’est dans ce contexte là qu’il faut mettre en perspective les années qui viennent. C’est-à-dire qu’on n’a pas le temps, on n’a plus le temps, et qu’on tenir compte de cette donnée. Nous devons dans les années qui viennent approfondir et renforcer le processus entamé. Cela a déjà été un premier pas avec le Plan climat cantonal, et dans quelques semaines la Stratégie climatique municipale qui viendra renforcer les actions de la Ville de Genève.

 Végétalisation : des objectifs ambitieux

Frédérique Perler ayant présenté les thématiques liées à l’aménagement, Alfonso Gomez annonce qu’il va se concentrer sur ce que cela signifie au niveau du verdissement de l’espace public. En ville, le maintien de ces espaces et l’accroissement de la place des arbres font partie d’une solution, même s’ils ne sont pas l’ensemble de celle-ci. La problématique de l’arbre a d’ailleurs permis d’étendre le débat à l’échelle cantonale, comme le montre le dossier tout récemment paru dans la Tribune de Genève, et d’en parler à une échelle plus large. Et il est persuadé qu’elle sera également reprise au niveau de la Confédération.

En début de législature, des engagements importants en matière de végétalisation ont été annoncés par le Conseil administratif. La perspective est ambitieuse, car il s’agit de passer de 21% de couverture foliaire aujourd’hui en Ville de Genève à 30% en 2030. C’est énorme, et cela ne va pas se faire sans difficultés. Il faut donc le situer dans le cadre de l’urgence climatique et des objectifs que nous voulons atteindre.

 La Ville a déjà commencé à agir

Pour atteindre ces objectifs, des mesures ont déjà été prises. Tout d’abord, limiter au maximum les abattages des arbres à ceux qui sont malades ou morts. Car nous savons qu’il faut des années pour qu’un jeune arbre remplace un vieil arbre, en matière de services écosystémiques rendus. Et c’est pourquoi le remplacement d’un arbre enlevé par trois arbres nouveaux montre notre volonté politique qui aura des conséquences très concrètes d’accroître encore le nombre des arbres et la biodiversité. Nous redoublons aussi d’efforts pour apporter des soins aux arbres existant. Car ceux-ci se trouvent aujourd’hui dans un environnement stressé ; en raison du réchauffement climatique, mais aussi de la pression urbaine, notamment la circulation, la pollution. Il y a là tout un pan à développer dans les années qui viennent au sujet de l’utilisation que nous faisons aujourd’hui de la voirie, de l’espace que nous avons à disposition dans nos rues et à qui nous le dévouons.

Une autre mesure est la fin de l’élagage des platanes en forme de « tête de chat », car celui-ci empêche la croissance de l’arbre. Aucune autre ville semble-t-il a fait ce choix novateur. Des analyses seront donc faites pour vérifier si cela est bénéfique pour les arbres, et développer alors cette méthode, puisqu’en Ville de Genève, 1’600 arbres sont concernés. Même si l’on sait qu’il ne suffit pas d’arrêter de couper, et que le soin de l’arbre demande dans un premier temps plus de travail.

 Planter des arbres pour lutter contre les pics de chaleur

La Ville enfin plante, et va planter, le plus massivement possible. L’année passée, 533 spécimens ont été plantés, ce qui représente déjà trois fois plus que les années antérieures. L’année prochaine, selon le principe de 3 arbres plantés pour 1 abattu, elle va en planter plus de 900. Le problème rencontré ici est celui de la place. Car à un moment, on ne peut pas planter d’avantage dans les espaces verts. C’est pourquoi nous avons plusieurs projets pour étendre la végétalisation à d’autres espaces. Nos ambitions sont importantes. Genève en effet est la ville la plus dense de Suisse : nous avons aujourd’hui un peu moins de 13’000 habitant·e·s au km2 (Zurich en comparaison est à un peu plus de 4’000). Certains quartiers arrivent presque au 20’000 habitant·e·s au km2. Donc qu’est-ce qu’on en fait, surtout si on arrive à des situations de pics de chaleur ? Car une augmentation de 2 degrés, cela signifie que la ville va se retrouver à plus de 40° pendant plusieurs jours d’affilée, avec des pics à 45° ; on sait qu’à ce moment-là le corps ne peut plus se reposer. Lutter contre ces pics de chaleur est donc une question de salubrité publique.

 Travailler ensemble

Comme l’a dit Frédérique Perler, et ainsi que le demandait Pierre Varcher, cela va exiger une collaboration, de ne pas travailler en silos. Nous devons travailler avec le Service de l’espace public de notre collègue Mme Marie Barbey-Chappuis, avec le Service de l’aménagement, du génie civil et de la mobilité, dirigé par Frédérique Perler, mais aussi avec Mme Christina Kitsos en ce qui concerne les cours d’école. Il s’agit donc bien de travailler ensemble pour atteindre l’objectif commun qui est celui du Conseil administratif.

 Poursuivre le projet du SEVE

En 2019, lors d’une séance organisée par le Forum, le SEVE vous avait présenté un projet de requalification de la végétation sur la couverture des voies CFF, en vue de renouveler et amplifier une végétation sénescente, qui a épuisé aujourd’hui les ressources dont elle pouvait disposer au vu de sa plantation sur des dalles de béton. Ceci sans dénaturer le caractère et la cohérence de ce site. 5 projets d’intervention avaient été présentés. D’un nouvel élan donné au Jardin en mouvement, au bout de la couverture CFF côté av. d’Aïre, à la plantation de nouveaux arbres par surélévation du sol pour que les arbres plantés aient d’avantage de terre à disposition. Sur ces 5 projets, malheureusement un seul a pu se développer : la végétalisation de la voie verte le long du l’av. des Tilleuls. Nous sommes toutes et tous d’accord que ce n’est pas suffisant. Car aujourd’hui, sur ces projets et sur l’ensemble des projets, nous ne pouvons plus attendre. C’est pourquoi, pour avancer sur cette végétalisation des voies couvertes, et plus globalement pour développer des projets dans le quartier, Alfonso Gomez se réjouit des échanges qui auront lieu durant la soirée.

 Utiliser l’espace des rues

Alfonso Gomez termine en mentionnant le champ qui doit être développé à propos de l’espace des rues et des voies de circulation, et pour lequel les associations sont indispensables. Il salue donc l’initiative dite « Climat urbain » d’actif-trafic, qu’il juge excellente, initiative qui prévoit que chaque année un pourcentage des voies de circulation soit dévolu à la mobilité douce et à la végétation. Il nous faut donc réfléchir à comment nous voyons la ville. Et enlever des places de parking si nous voulons planter des arbres, car là il y a encore de l’espace, beaucoup d’espace. Cette soirée est donc très importante pour nous, car elle est l’occasion de poursuivre une dynamique que l’on voit naître en ville, avec les associations, avec les habitantes et les habitants, en faveur de ces projets de végétalisation.

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Daniel Oertli ajoute une remarque à propos de la couverture des voies et de l’insatisfaction compréhensible devant la lenteur du processus de végétalisation. Il explique que ce lieu à la particularité d’être cogéré par le Service des espaces verts responsable des surfaces végétales, des arbres, et par le Service des constructions responsable des surfaces en dur. Jusqu’à présent les conditions que nous avions étaient : ne touchez pas aux surfaces en dur, occupez-vous déjà des plantes. Aujourd’hui on se rend compte que cette approche ne suffit plus. Si on veut avoir un changement substantiel, il faut clairement réduire les surfaces en dur et augmenter les surfaces en vert. La présence des deux magistrats est donc bienvenue pour qu’on puisse faire bouger cette limite. Car c’est cela qui est nécessaire si l’on veut arriver à un projet qui répond aux attentes des habitant·e·s, et planter plus d’arbres dans de meilleures conditions.